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ANIMATAZINE

ERIC DENIAUD

Éric Deniaud, réalisateur, interprète, créateur et manipulateur de marionnettes de grande finesse, ainsi que scénographe, diplômé de l'École Nationale Supérieure de Charleville-Mézières, a participé à de nombreux projets artistiques en Europe, au Vietnam, en Égypte et au Japon.

Depuis 1994 il s'est engagé activement dans diverses initiatives culturelles et artistiques au Liban, pour décider de s'y installer en 2006, à la suite de la guerre des 33 jours. Il a fondé le Collectif Kahraba à Beyrouth avec d'autres artistes, animés par le désir de créer un lieu de rencontre qui interroge de manière poétique le monde au-delà des classes sociales, des affiliations claniques, des croyances politiques ou religieuses, des choix de vie, des orientations sexuelles et des origines ethniques.

Depuis lors, l'expérience du Collectif Kahraba s'étend de la création et de la production de spectacles circulant dans le monde entier à l'organisation du festival international itinérant 'Nehna wel Amar wel Jiran' et à la gestion de la Hammana Artist House - un lieu de résidence et de recherche artistique avec une programmation internationale.

En tant que co-auteur, aux côtés d'Aurélien Zouki, du spectacle 'Géologie d'une fable', qui tourne dans le monde entier depuis 2015, entièrement conçu avec de l'argile fraîche animée en direct, Éric aborde dans l'interview la terre libanaise et comment ce territoire, creuset de communautés diverses avec ses fragilités et ses contradictions, influence et nourrit la vision du collectif, son geste artistique, poétique et politique au quotidien.

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COMMENT LE LIBAN INFLUENCE ET NOURRIT TON GESTE ARTISTIQUE AUJOURD'HUI, A UNE EPOQUE OU L'ECHO DE LA GUERRE NE S'EST PAS ESTOMPE ?

On peut même dire qu’on y est en plein dedans, à nouveau…

Le Collectif Kahraba est né d'une rencontre.
 
Mes premiers voyages au Liban datent des années 90, bien avant de devenir marionnettiste.
 
Il a été créé en 2006, peu de temps après la guerre de 33 jours en juillet 2006, une période marquée par une confrontation violente avec Israël.
 
Nous, les trois fondateurs*, avons été séparés les uns des autres.
 
Nous avons alors pris conscience qu'au moment même où nous entrevoyions quelque chose à vivre à long terme, l'actualité risquait de nous en priver.
 
Refusant de céder à cela, nous avons décidé de nous réunir, de nous installer au Liban pour créer la compagnie.

*Éric Deniaud, Aurélien Zouki, Rima Maroun, note de rédaction.

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Beyrouth Sud - 14 août 2006 ©Lalla-Ali 

On peut même dire qu’on y est en plein dedans, à nouveau…

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Le Collectif Kahraba est né d'une rencontre.

 

Mes premiers voyages au Liban datent des années 90, bien avant de devenir marionnettiste.

 

Il a été créé en 2006, peu de temps après la guerre de 33 jours en juillet 2006, une période marquée par une confrontation violente avec Israël.

 

Nous, les trois fondateurs, avons été séparés les uns des autres.

 

Nous avons alors pris conscience qu'au moment même où nous entrevoyions quelque chose à vivre à long terme, l'actualité risquait de nous en priver.

 

Refusant de céder à cela, nous avons décidé de nous réunir, de nous installer au Liban pour créer la compagnie.

 

Cela fait maintenant 17 ans que cette belle histoire perdure, une histoire d'amour entre nous et cette région du monde qui nous touche profondément.

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Même si je suis d'origine française, je me sens profondément attaché à cette expérience.

 

Nous ressentons le désir profond de réaliser des actes poétiques, des gestes qui peuvent sembler insignifiants, mais qui revêtent une grande importance dans cette région du monde où il y a toujours des enjeux plus urgents.

 

Chaque fois que nous présentons nos spectacles, les gens soulignent à quel point cette dimension poétique est cruciale, tout comme manger et boire correctement.

 

Il n'y a pas d'échelle de valeur pour cette dimension, elle est intrinsèque à notre humanité. 

 

C'est une expérience que je vis depuis 17 ans, une expérience que j'ai déjà vécue dans mon enfance.

 

Je suis profondément enraciné dans cette conviction et j'ai ressenti l'impératif absolu, enfant, de me raccrocher à une expérience de beauté pour traverser une enfance qui n'était pas simple.

 

Cela m'a permis de rester debout sur mes pieds.

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Notre travail est en constante résonance avec ce qui se passe au Liban, mais il ne réagit jamais de manière directe.

 

Nous pourrions réagir à l'actualité, mais nous croyons que la véritable nécessité est d'approfondir la rencontre avec le public, quelle que soit sa composition.

 

Nous sommes tous à la recherche de cette expérience de beauté, car elle nous aide à donner un sens à ces moments difficiles de manière plus significative.

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Beyrouth, escaliers typiques du quartier de Mar Mikhael.

COMMENT EST NAIT LE FESTIVAL "NEHNA WEL AMAR WEL JIRAN"?

Le nom du festival signifie "Nous, la lune et les voisins".

 

Ce festival a été créé en 2011, à l'époque où nous vivions à Beyrouth dans un quartier appelé Mar Mikhaël.

 

À cette époque, ce quartier, qui était relativement populaire, était en train de subir une importante gentrification, un phénomène que l'on observe souvent dans de nombreuses villes du monde.

 

Nous avons vécu dans ce quartier pendant près de 9 ans, et les habitants locaux ne comprenaient pas vraiment notre activité.

 

Ils nous voyaient entrer et sortir de la maison en chargeant la voiture avec des objets étranges, partir pour un jour, deux jours, trois jours, puis revenir.

 

Ils entendaient du bruit dans notre maison car c'était notre lieu de répétition.

 

Lorsque nous leur disions que nous faisions du théâtre de marionnettes, nous les invitons à venir nous voir jouer à Beyrouth, mais personne ne se déplaçait.

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D'une part, il n'était pas courant pour les habitants du quartier d'aller au théâtre, un lieu qui les intimidait.

 

D'autre part, la plupart des théâtres se trouvaient dans une autre partie de Beyrouth, principalement à l'ouest, et malgré la fin de la guerre civile, il subsistait toujours une sorte de barrière invisible dans la mémoire collective, rendant difficile le franchissement de ces zones

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©Collectif Kharaba, Festival Nehna Wel Amar Wel Jiran, Beyrouth 

Un jour, fatigués d'entendre constamment "Qu'est-ce que vous faites, qu'est-ce que vous faites ?", nous avons décidé de jouer dans la rue.

Nous avons alors sorti nos spectacles, dont "Arabiyetna » l'un des premiers que nous ayons créés.

Notre lieu de vie était dans une rue avec des marches.

Nous nous sommes installés là, présentant ce spectacle, une forme mêlant objet, marionnette et conte, inspirée de l'Odyssée d'Ulysse et fortement influencée par notre expérience avec les Palestiniens dans les camps.

Nous avons convié nos voisins, et nous sommes retrouvés face à 200/300 personnes assises au milieu de la rue avec nous.

C'était un moment extrêmement joyeux et généreux.

Nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas nous arrêter là.

L'année suivante, nous avons sorti tout ce que nous avions en répertoire et avons investi tout le quartier.

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©Collectif Kharaba, Festival Nehna Wel Amar Wel Jiran, Beyrouth

Nous avons sollicité notre voisine Georgette pour qu'elle nous prête son jardin en vue d'organiser un concert de musique classique.

 

En plus de cela, nous avons utilisé les toits des immeubles, qui étaient équipés de terrasses plates, afin de créer un parcours artistique.

 

Ainsi, une trentaine de personnes ont guidé le public à travers six toits différents pour assister à diverses représentations, dont certaines impliquaient l'utilisation de marionnettes.

 

Lors d'une édition spéciale du festival, nous avons interviewé certains voisins pour recueillir leurs récits sur la vie dans le quartier.

 

Nous avons ensuite créé des marionnettes et élaboré de courtes pièces qui racontaient l'histoire du quartier.

 

De cette manière, le public, en particulier les résidents du quartier, pouvait découvrir la vie locale à travers ces scènes de marionnettes.

 

Par la suite, il avait l'occasion de rencontrer les habitants du quartier, qui préparaient eux-mêmes des repas pour le public.

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©Olga Habre, Festival Nehna Wel Amar Wel Jiran, Beyrouth

Le Festival a grandi grâce à notre engagement aux côtés d'artistes locaux et internationaux que nous avons progressivement invités à contribuer à la programmation.

 

Pour nous, il s'agit d'un moment de travail collaboratif avec des artistes dans différents territoires.

 

Actuellement, les événements se déroulent principalement à Beyrouth et à Hammana, notre village de résidence.

 

Cependant, le Festival s'étend également à trois autres villes, qui peuvent varier, incluant Saïda, Hermel à la frontière syrienne, Tripoli ou Deir Al-Ahmar.

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Le Festival a évolué avec l'histoire de la compagnie, adoptant une dimension de décentralisation.

 

Lors de la dernière édition, il s'est déroulé une journée dans l'un des camps palestiniens en banlieue sud de Beyrouth, accueilli par une troupe de femmes qui ont partagé leur théâtre avec nous.

 

Trois spectacles ont été présentés chez elles, et elles sont venues présenter leur spectacle chez nous.

 

Cette circulation artistique est essentielle dans un territoire fragmenté, où les communautés restent souvent cloisonnées.

 

Vivant dans un village majoritairement chrétien, nous sommes conscients des préjugés existants, notamment envers les Palestiniens.

 

Proposer soudainement un spectacle avec huit femmes palestiniennes au cœur du village, dans une école dirigée par des sœurs, va au-delà de l'engagement politique.

 

Pour nous, il s'agit toujours d'une approche artistique.

 

Ces femmes ont une histoire à raconter, sans nécessairement une revendication à poser, ce qui transforme la relation entre le public, les artistes et les habitants qui accueillent l'événement dans son ensemble.

 

C'est un aspect crucial de notre démarche.

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©Olga Habre, Festival Nehna Wel Amar Wel Jiran, Beyrouth

Notre priorité est également de mobiliser les habitants.

Cette année, nous avons invité un chorégraphe espagnol à travailler sur un spectacle avec 14 femmes du village, en grande partie âgées de plus de 60 ans.

Cela implique d'introduire une nouvelle approche du corps, du mouvement et de la féminité dans un village extrêmement traditionnel.

Pour mieux comprendre, imaginez ce village libanais comme un village italien des années 50.

Vous pouvez donc vous représenter ce que cela signifie pour ces femmes de choisir de se montrer devant l'ensemble de la communauté du village et de s'essayer à la danse contemporaine pour la première fois de leur vie.

Toutes ces rencontres, qu'il s'agisse d'amateurs ou de professionnels, sont d'une grande importance.

Cet espace est un lieu où nous cherchons à surmonter les clivages entre les différentes pratiques artistiques.

Le travail pluridisciplinaire est essentiel, car il permet aux marionnettistes de rencontrer des musiciens, des danseurs, des acteurs, des écrivains, favorisant ainsi l'enrichissement mutuel.

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©Olga Habre, Festival Nehna Wel Amar Wel Jiran, Beyrouth

Nous avons régulièrement accueilli des artistes professionnels, comme la compagnie espagnole Mal Pelo, habituée à se produire dans des lieux comme le Théâtre de la Ville de Paris.

Pour ces artistes, notre festival représente bien plus qu'une simple Scène Nationale.

Il offre une véritable rencontre avec un public, un moment authentique de vie et d'hospitalité, dans les meilleures conditions pour présenter leur travail.

C'est également leur choix de s'adapter à notre contexte pour vivre une expérience différente de celle qu'ils pourraient avoir dans des théâtres parfaitement équipés.

Cette expérience est véritablement enrichissante.

Nous avons la chance de constater que notre lieu et le festival que nous avons créé encouragent les artistes professionnels et amateurs à regarder différemment les uns les autres, donnant ainsi à cette pratique artistique une dimension populaire.

PEUX-TU NOUS PARLER DE LA HAMMANA ARTIST HOUSE ?

Nous avons commencé par créer une compagnie et avons ensuite entamé des tournées à travers le pays.

La création du festival est survenue à un moment donné, mais nous avons rapidement compris l'importance d'avoir un lieu de travail dédié.

Pendant des années, nous avons répété dans notre salon, qui, bien que spacieux, n'était pas une véritable salle de répétition.

À Beyrouth, il n'existe actuellement que 3 ou 4 espaces qualifiables de théâtres, mais ils doivent être loués.

Il n'y a aucune institution publique offrant la possibilité de travailler de manière appropriée ou de bénéficier de résidences artistiques.

Nous avons toujours rêvé d'un tel espace, en espérant qu'un jour, cela devienne possible pour nous et d'autres d'avoir un lieu de travail et de vie dédié.

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©Collectif Kahraba - Hammana Artist House

En 2014, nous avons été contactés par Robert Eid, qui avait quitté le Liban peu de temps après le déclenchement de la guerre civile en 1975.

 

Depuis lors, il a été un expatrié en perpétuel mouvement, ayant vécu dans plusieurs pays, dont la France, le Koweït, l'Argentine, le Royaume-Uni et l'Arabie saoudite.

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Hammana, le village de sa mère, tient une place particulière dans son cœur.

 

Il avait récemment acquis une grande maison dans ce village avec l'objectif de développer un projet culturel à long terme visant à revitaliser l'économie touristique de la région.

 

Ces régions étaient autrefois des destinations prisées pour la société arabe, de l'Irak à l'Égypte, attirée par le climat plus frais des montagnes.

 

Cependant, des périodes des crises ont progressivement conduit à la désertification de ces villages.

 

Robert avait le désir de redonner vie à Hammana au moyen d'un projet culturel capable de dynamiser l'ensemble du village, attirant ainsi des visiteurs pour des raisons autres que la simple consommation.

 

Nous avons collaboré pendant trois ans avec lui pour créer un lieu d'accueil et de résidence.

 

Cet espace permet aujourd’hui à des artistes locaux et internationaux de travailler dans des conditions optimales tout en restant connecté à la communauté locale, en mettant l'accent sur le village et la région environnante.

 

Cet endroit existe depuis sept ans et abrite une vie artistique animée, intégrant la création, la formation professionnelle et amateur, et une programmation annuelle, tant au niveau local qu'international.

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©Collectif Kahraba - Hammana Artist House

La maison occupe 1700 mètres carrés, avec une cour de 700 m² qui en été se métamorphose en un théâtre équipé, offrant la possibilité d'avoir un véritable théâtre avec une scène de 10 mètres sur 12 et un gradin de 320 places.

Cette infrastructure permet d'accueillir des productions de grande envergure.

Cependant, la situation internationale complique les déplacements pour les artistes, en particulier les jeunes Libanais, Syriens et Palestiniens vivant au Liban.

L'obtention de visas pour travailler en Europe devient de plus en plus complexe, notamment pour les jeunes hommes célibataires.

Pour surmonter ces défis, nous avons exploré des alternatives permettant à ces artistes de rester engagés dans leur travail et de se former progressivement.

L'invitation d'artistes internationaux sur notre territoire en fait partie, renforçant nos liens avec des compagnies et des artistes fidèles.

Cette approche favorise également le développement de relations avec des artistes du Proche-Orient.

Le projet a dépassé nos attentes initiales et, dans le contexte économique complexe actuel, il a peut-être même pris une ampleur inattendue.

Cependant, il perdure et entretient des liens avec d'autres lieux de résidence à l'international, pas seulement en Europe. Notre réseau comprend également des partenariats avec des lieux en Inde.

Cette dimension sudiste est cruciale, offrant une perspective qui remet en question nos propres méthodes de création et de réflexion théâtrale, souvent influencées par des approches occidentales.

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©Collectif Kahraba - Hammana Artist House

La collaboration avec ces réseaux nous donne l'opportunité de repenser nos pratiques artistiques, notre public cible, et la manière dont nous concevons nos spectacles.

Il nécessite un effort continu pour éviter de tomber dans certains pièges, en particulier dans une région comme le Proche-Orient, où nous sommes souvent exposés à une influence occidentale et où il peut être tentant de répondre aux attentes étrangères plutôt que de refléter les préoccupations locales.

C'est une entreprise privée qui ne bénéficie d'aucune aide institutionnelle ou de financement public au Liban.

Actuellement, le Liban fait face à l'absence d'un président de la République et à une situation de conflit renouvelé avec Israël, ce qui entraîne un manque d'attention envers la culture, en particulier les initiatives alternatives comme la nôtre.

Notre engagement envers ce lieu repose sur une collaboration avec Robert, qui contribue à hauteur d'environ 20 % des coûts de la maison, couvrant une partie des charges et des salaires de l'équipe permanente.

Le reste du financement provient d'un travail constant de recherche de partenaires institutionnels et de fondations étrangères, en fonction du programme d'activités.

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©Collectif Kahraba - Hammana Artist House

DANS LE SPECTACLE "GEOLOGIE D'UNE FABLE", CREE PAR TOI ET AURELIEN ZOUKI, LES FORMES ANIMEES NAISSENT DIRECTEMENT DE L'ARGILE MODELEE SUR SCENE. PEUX-TU NOUS PARLER DE COMMENT VOUS EN ETES VENUS A L'IDEE DE CREER CE SPECTACLE ET DE CE QUE L'ARGILE REPRESENTE POUR TOI D'UN POINT DE VUE EXPRESSIF ?

"Géologie d’une fable" occupe une place significative dans ma vie, étant un spectacle qui existe depuis huit ans.

Avant d'aborder le contenu artistique, il est essentiel de mentionner les conditions économiques.

Nous avons eu la chance de créer quelque chose que nous envisagions initialement pour être joué uniquement au Liban.

Cependant, le spectacle a suscité une résonance exceptionnelle qui nous permet de subsister, et cela contribue à assumer nos engagements à long terme sur ce territoire.

"Géologie" a été créé en 2015. Aurélien et moi avions le désir de travailler avec l'argile comme matière première, une matière qui nous est chère à tous deux.

Personnellement, c'est la matière que j'utilise, comme de nombreux marionnettistes, pour créer des objets.

Nous avons estimé que cette matière extraordinaire méritait d'être au cœur de notre travail.

Notre inspiration initiale était le monde des fables. Nous avons lu plusieurs fables, en particulier celles de La Fontaine, qui occupe une place prépondérante dans l’histoire française.

Cependant, nous avons ressenti une certaine lassitude en raison de la dimension moraliste présente dans ces fables.

Nous avons conclu que cela ne suffisait pas pour notre approche artistique.

En poursuivant nos recherches, nous avons découvert que La Fontaine, et d'autres après lui, s'étaient inspirés du travail de Marie de France, qui à son tour avait puisé dans les écrits d'Ésope.

Au sein de la civilisation arabe, existe un texte majeur appelé "Kalila wa Dimna", qui occupe une place prépondérante dans le patrimoine oral et écrit, notamment dans la poésie.

Ces textes trouvent leur source dans une première traduction persane qui, à son tour, aurait emprunté des éléments à des textes d'origine indienne.

Cette lignée de textes remonte ainsi sur une période de plusieurs milliers d'années, s'étendant jusqu'à près de 5000 ans.

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©Collectif Kahraba - Géologie d'une fable

Et cela, nous a touchés profondément, bien plus que les fables elles-mêmes.

 

Nous avons réalisé que la force de la transmission de la parole, persistant pendant des millénaires à travers divers territoires pour nous parvenir, était une inspiration puissante.

 

À partir de là, il est devenu évident que l'argile, la terre elle-même, et sa transformation étaient la métaphore la plus appropriée pour raconter cette transmission de la parole.

 

Ce qui nous a particulièrement interpellés dans les fables, c'est le besoin de passer par la relation avec les animaux pour exprimer quelque chose de notre humanité.

 

En tant que personnes très proches de la nature, le monde animal a pris une place significative dans ce spectacle.

 

Nous avons décidé de le représenter de manière très libre. "Géologie" contient quelque chose qui touche profondément les gens, notamment le fait de voir créer et fabriquer des animaux ou des paysages en un instant, pour les déconstruire tout aussi rapidement.

 

Cette force de construction et de déconstruction est un symbole puissant de la vie, de notre passage sur cette terre.

 

Il semble toucher quelque chose de très organique chez les spectateurs. Cette approche sur scène suscite une relation très joyeuse avec le public.

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Nous avons eu le privilège de jouer "Géologie" plus de 350 fois, dans de nombreux endroits en Europe, au Liban, en Égypte, dans d'autres pays arabes, en Colombie, en Espagne, etc.

 

À chaque représentation, nous avons constaté que cette matière première, symbolisant notre territoire commun, rendait évidente la possibilité de rassemblement et de rencontre.

 

C'est un cadeau de vie exceptionnel, et nous sommes vraiment reconnaissants de pouvoir le partager de manière aussi généreuse à chaque fois.

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QUELS SONT TES PROJETS FUTURS ?

À long terme, la vision est de pérenniser ce lieu enraciné dans la montagne.

Parallèlement, la Compagnie travaille actuellement sur une nouvelle phase axée sur la décentralisation, envisageant la création d'un espace itinérant, une architecture entre le chapiteau de cirque et le théâtre mobile, en collaboration avec des professionnels du cirque, dans les trois à quatre prochaines années.

Il s’agit de mettre en place un espace culturel qui puisse rejoindre l'est du pays, proche de la Syrie, où il n'y a actuellement aucun équipement culturel.

Cette initiative vise à offrir un espace de travail et de représentation pour les artistes locaux et internationaux, en mettant l'accent sur les locaux, tout en élargissant l'accès à la culture dans des régions particulièrement vulnérables aux formes de radicalisme intellectuel, étant fortement influencées, entre autres, par le Hezbollah.

Bien qu'il ne soit pas le seul parti politique en place, il exerce une influence prédominante en imposant une pensée unique.

Nous croyons fermement que la pratique artistique joue un rôle essentiel dans la diversification de la pensée et le développement intellectuel, en particulier chez le jeune public.

Mais cela nécessite des équipements permettant des résidences de longue durée.

Voilà pourquoi nous imaginons cet espace itinérant, qui permettra de se produire et d’accueillir le public de ces régions, dans les meilleures conditions possibles.

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