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YACOUBA MAGASSOUBA

Yacouba Magassouba est metteur en scène, marionnettiste, directeur artistique à Bamako au Mali de la Compagnie Nama, un mélange de marionnettes qui intègre la danse et le masque accompagnés de rythmes traditionnels, de chants et de percussions.

Il a été initié et formé à l'art de la marionnette par son grand-père puis par son oncle, le Maître Marionnettiste Yaya Coulibaly.

Son travail l'a emmené en tournée dans le monde entier : Burkina Faso, Espagne, Belgique, Canada, France, Luxembourg, Allemagne, Martinique, Côte d'Ivoire, Bénin, République Africaine, Sénégal, Niger, Congo, Guinée.

Président de l'association Art, Marionnette, Musique, Clowns et Danse dans nos rues Directeur du Festival Rendez-Vous Chez Nous à Bamako, premier festival d'art de la rue au Mali, Président d'Unima Mali.

L'un de ses principaux engagements est de former les jeunes générations à l'art de la marionnette : plus d'une dizaine de stages ont été organisés ces dernières années.

Ses spectacles allient divertissement et sensibilisation du public à des enjeux sociaux importants tels que la cohésion sociale, la fréquentation scolaire ou la violence faite aux femmes.

En 2023, le spectacle Plaidoyer pour Monsieur Niger fera ses débuts, dans lequel les thèmes de la protection environnementale des eaux du Niger seront mis en scène dans un parcours le long des berges du fleuve à Bamako.

COMMENT ÊTES-VOUS DEVENU MARIONNETTISTE ?

Je suis originaire de Danga, cercle de Kangaba, région de Koulikoro. 

Mon souvenir d'enfance est la fête du village : c'est une fête traditionnelle annuelle, nous les enfants étions toujours là, il y avait le masque Nama, il y avait des marionnettes, et cela m'a donné envie ; depuis que je suis tout petit, je me sens comme un marionnettiste.

Je faisais de petites choses pour émerveiller les gens et pendant la soirée, j'avais quelques minutes pour montrer ce que j'avais créé.
 
Pour devenir marionnettiste, traditionnellement, il faut être en âge d'être initié.
 
J'ai été initié par mon grand-père, Bamba Magassouba, mais dans les marionnettes modernes, c'est Yaya Coulibaly qui m'a formé à cet art moderne qui s'ouvre sur le monde entier.
 
Je suis resté avec lui, dans sa famille, pendant quinze ans.
 
J'ai quitté l'école pour être avec lui, et en 2002 il m'a inscrit dans sa Compagnie pour mon premier voyage international, en Espagne pour le Festival Titirimundi, mais avant de voyager à l'international, j'avais déjà fait de nombreux festivals partout au Mali.
 
Je n'ai pas choisi d'aller vers lui à cause des marionnettes.
 
Le fait est que Yaya est le frère cadet de ma mère, je peux aussi dire, comme me l'a dit ma mère, que je suis né dans la famille de Yaya, il m'a vu grandir, il a aussi vu que je m'intéressais à l'art des marionnettes dans le village, faisant des têtes de marionnettes avec des canettes.
 
Avec lui j'ai appris à animer les marionnettes : ce n'est pas difficile pour moi, mais le montage des marionnettes, c'est très difficile, il faut être un bon sculpteur, il faut être très ambitieux pour le faire.
 
J'ai appris à manipuler, j'ai appris à monter des marionnettes.
 
Avant de sculpter les marionnettes, on cherche l'histoire.
 
Je cherche les contes traditionnels maliens et crée les têtes qui entrent dans le spectacle : avant de créer les marionnettes, il y a l'histoire.
 
Nous ne créons pas par hasard.

Chez mon oncle c'est typiquement traditionnel, quand j'ai voulu créer ma Compagnie, à travers les voyages que j'ai fait avec Yaya, j'ai vu différents types de marionnettes dans différents pays des continents, j'ai essayé de faire d'autres types de marionnettes.
 
J'ai essayé de créer mon propre style, la base c'est la récupération et la mousse.

Je me positionne entre tradition et modernité.

VOUS AVEZ FONDÉ VOTRE COMPAGNIE DE THÉÂTRE DE MARIONNETTES EN LUI DONNANT LE NOM DE NAMA.
QUE REPRÉSENTE CE NOM ? 

Nama est un masque malinké traditionnel que j'aime beaucoup, qui sort quand il y a une fête au village avec tous les autres masques.

Il m'a donné l'amour de mon peuple, car à chaque fête nous étions tous très heureux.

Depuis mon plus jeune âge j'ai toujours gardé le nom Nama en tête, quand je suis arrivé à Bamako et que j'ai voulu monter ma Compagnie professionnelle, c'est le nom que j'ai voulu lui donner, pour lui rendre hommage et me souvenir de mon enfance.

La Compagnie Nama a un lieu, je dors ici, c'est notre lieu de travail, nous avons le laboratoire, le bureau, le réfectoire.

UNE JOURNÉE DE TRAVAIL DANS LA COMPAGNIE NAMA : PAR QUOI COMMENCE-T-ELLE ET PAR QUOI SE FINIT-ELLE ? 

Le matin nous sommes 12 personnes.

Dans la Compagnie nous avons le sculpteur, l'écrivain, le peintre, le costumier, le ferronnier et le soudeur.

Si, par exemple, on veut faire un masque traditionnel et que je n'ai pas cherché le bois, je l'apporte et le sculpteur commence à sculpter, quand il a fini, on lui donne le vernis, après le vernis on commence à l'habiller, et au final il y a la preuve, pour comprendre comment on va la manipuler.

Nous pouvons également fabriquer une marionnette le matin avant midi et commencer à répéter la marionnette l'après-midi.

Par exemple, si on le fabrique avec du caoutchouc mousse, on va au magasin, on achète le matériau, on le sculpte, puis on essaie : ça fait partie de la modernité.

On crée le matin et l'après-midi on répète.

C'est vraiment facile comme ça.

On achète le tissu, la couleur qu'on veut, on le colle avec de la colle, on le met au soleil et une heure plus tard on commence à répèter.

Si le texte n'est pas long, on travaille avec l'improvisation, on peut créer une petite histoire entre nous, mais si le texte est long cela prend un peu plus de temps car il faut l'apprendre de manière professionnelle.

On ne joue pas sans musique.

Dans la compagnie, il y a trois musiciens, nous faisons tout nous-mêmes.

Quand on est percussionniste, il y a des moments où on peut devenir marionnettiste.

Quand on est sculpteur, il y a des moments où on peut devenir manipulateur.

Nous sommes vraiment polyvalents.

Même les soudeurs, dans la Compagnie, ce sont les mêmes manipulateurs, ce sont les mêmes qui font la peinture, ce sont les mêmes qui font les costumes.

Dans notre pays, les femmes ne sont pas autorisées à fabriquer des marionnettes : dans toutes les fêtes traditionnelles maliennes, il n'y a pas de marionnettistes femmes sur scène.

J'ai essayé d'amener des femmes sur scène et de les former aussi.
 

Nous avons actuellement quatre femmes dans la Comapgnie et nous avons actuellement une section de formation de 16 femmes.

Ce sont deux années de formation : écriture, construction, mise en scène, arts de la marionnette.

Il y a toute l'Afrique de l'Ouest : Mali, Guinée, Côte d'Ivoire, Burkina, Togo et Bénin.

Nous avons lancé un appel à candidatures, il y a des femmes qui ont postulé, nous en avons choisi 8 de la Sous-Région et 8 du Mali.

Nous accompagnerons chaqune d'entre elles pour créer leur propre spectacle.

Nous avons un festival qui s'appelle Rendez-vous chez nous à Bamako, et nous les programmerons dans le cadre du festival. 

À travers les femmes, l'art de la marionnette peut vraiment aller très loin. 

Y A-T-IL DES ÉLÉMENTS DANS VOS SPECTACLES QUI FONT RÉFÉRENCE À L'EAU ?

Dans nos spectacles j'utilise Bama, le crocodile, pour le mettre sur le dos de l'antilope.

Les trois caïmans du blason de la ville de Bamako signifient l'origine de la ville de Bamako,  Bama Ko signifie "le dos du crocodile".

Il y a plusieurs sens, il y en a d'autres qui disent que Bamba Ko était une personne qui a fondé Bamako.

Dans les marionnettes à fils j'ai des animaux qui vivent dans l'eau, comme l'hippopotame, le poisson... 

Cette année nous avons monté un projet, qui s'intitule : Plaidoyer pour Monsieur Niger, avec douze artistes que nous formerons à l'art de la marionnette, puis nous créerons un spectacle, pour la protection du fleuve Niger qui traverse Bamako et que nous présenterons dans tous les quartiers de Bamako, puis à Ségou.
 
Pour la création du spectacle j'ai pensé faire appel aux Bozos, collaborer avec eux pour créer les marionnettes qui seront dans l'eau.

Le spectacle se déroulera dans tous les quartiers de Bamako situés sur les rives du fleuve, ainsi qu'autour de Bamako.

Le projet dure deux ans, nous lancerons l'appel à candidatures aux artistes intéressés, nous commencerons par un atelier de formation à l'art de la marionnette.
 
Et à la fin de cette programmation, nous créerons le spectacle.
 
Nous voulons commencer à créer en août.

QUELS AUTRES PROJETS LA COMPAGNIE NAMA A-T-ELLE?

Nos thèmes sont liés à la vie actuelle du pays. 

Par exemple, dans mon dernier spectacle, Le chat pellerin, quand j'ai commencé à penser au texte, c'était à cause du coup d'État au Mali et du problème dans le nord du Mali.

Nous avons commencé à voir comment le chat et la souris ne s'entendent pas : ce sont des ennemis jurés.

Nous avons pensé à la façon dont les gens du nord et du sud ne s'entendent pas.

A la fin du spectacle, le chat et la souris parviennent à se réconcilier.

Nous posons au public la question : "Puisque le chat et la souris se sont réconciliés, pourquoi pas les humains ?".

Nous avons un sketch que nous avons créé au début de Covid.

Avec les marionnettes nous avons fait un petit texte pour sensibiliser les gens à se protéger.

On regarde le contexte, le moment qui existe, et on fait une création, ou on prend une histoire qui s'adapte à ces moments.

Mesures de prévention Covid - Compagnie Nama.

L'idée pour nous est d'aller vraiment vers la population, de la sensibiliser.

Au Mali, la plupart de la société est délaissée, les gens n'ont pas beaucoup d'argent pour voir des spectacles, pour certains voir des spectacles c'est un peu cher, nous on va vers eux, pour pouvoir présenter notre spectacle. 

Nous avons des marionnettes géantes, on nous demande d'aller jouer dans presque tous les grands festivals du Mali.

Notre spectacle de marionnettes géantes est allé aux Jeux de la Francophonie et nous avons obtenu une médaille de bronze.

Nous mélangeons marionnettes géantes traditionnelles et modernes pour créer un spectacle.

C'est notre capacité, l'évolution de notre art, nous mélangeons toutes les disciplines.
 

Un autre projet que nous avons est de former une cinquantaine de jeunes dans les régions du centre du Mali, où il y a beaucoup de problèmes.

L'année dernière nous avons fait la première partie du projet, avec seize jeunes qui sont venus dans notre atelier, et au final nous avons créé huit marionnettes géantes, vingt-trois marionnettes à fils, dix marionnettes habitables et dix-sept masques portatifs.

Nous avons créé un spectacle intitulée Paix et sécurité.

Dans les villages, avec les jeunes, après le spectacle, on parlait aux gens. 

Nous avons joué à Sofara, un pays qui regorge de djihadistes, à la fin le maire de Sofara est venu me dire, publiquement, qu'il n'y avait même pas eu de cérémonies de mariage depuis trois ans.

À travers les marionnettes, même les djihadistes qui vivaient dans le village sont venus voir, j'ai été ému.

Nous avons fait une petite documentation vidéo à ce sujet.

Nous avons été soutenus par une ONG allemande située au Mali, vu le résultat du projet, ils nous ont demandé de continuer cette année également.

Bientôt, nous allons commencer avec une cinquantaine de jeunes, pour créer quatre spectacles.

Nous commençons avec vingt-cinq, puis un autre groupe de vingt-cinq jeunes, et chaque groupe créera deux spectacles.

Nous créerons les différentes marionnettes à travers l'histoire que nous aurons choisie.

Pour moi, à l'avenir, la marionnette est un élément clé pour unir, faire la paix, réconcilier toute la population.

Je prends l'exemple ici : quand il y a un problème dans le quartier, on sort avec nos marionnettes, les gens se laissent distraire, s'arrêtent, nous regardent, se calment.

Partant de là, je me dis, que partout dans le monde, le seul art qui peut arrêter tous les problèmes est l'art de la marionnette, parce que quand tu nous vois, tout ce que tu fais en ce moment, tu t'arrêtes, regardes et tu écoutes.

L'art de la marionnette est la clé de la paix dans le monde.

C'est le meilleur outil de communication sur terre.

LINKOGRAPHIE ESSENTIELLE DE YACOUBA MAGASSOUBA

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